Dans cet article je vais argumenter que les pratiques d’exploitation et d’oppression animale sont une catastrophe éthique et environnementale injustifiée.
La conscience animale
Il existe de solides preuves scientifiques en faveur de l'attribution d’expériences conscientes à d'autres mammifères et aux oiseaux.
De plus, les preuves empiriques indiquent au moins une possibilité réaliste d'expérience consciente chez tous les vertébrés (y compris les reptiles, les amphibiens et les poissons) et de nombreux invertébrés (y compris, au minimum, les mollusques céphalopodes, les crustacés décapodes et les insectes).
Voici sur quoi s’accordent 480 scientifiques et philosophes dans une déclaration récente sur la conscience animale1. En d’autres termes, comme vous et moi de nombreux animaux non-humains, et certainement les animaux d’élevage, vivent une expérience conscience, c’est à dire qu’ils sont capables de ressentir du plaisir, de la douleur, de l’anxiété ou encore de jouer et d’être en deuil. On appelle aussi cette faculté d’être conscient et de vivre des expériences la sentience.
La réalité de l’exploitation animale
Il est communément admis qu’il est éthiquement inacceptable d’infliger une souffrance gratuite, même à des animaux. Pourtant, exposons clairement les faits au niveau mondial. Plus de 80 milliards d’animaux sont abattus chaque année pour leur viande2. Plus de 75% de l’élevage est pratiqué dans des fermes-usines, où les animaux ne peuvent pas se déplacer, sont en souffrance physique, stressés et mutilés3. 270 millions de vaches à lait sont inséminés artificiellement, séparées de leur progéniture et ne peuvent pas se déplacer librement4. Plus de 100 millions d’animaux sont utilisés dans le cadre d’expériences industrielles ou scientifiques, enfermés et maltraités, par exemple en étant exposés à des produits toxiques. La liste est encore longue mais vous avez compris l’étendue de ce phénomène. Des enquêtes et vidéos sont listées à la fin de l’article si vous souhaitez plus de détails.
Une justification de l’exploitation animale ?
La simple description des faits de l’exploitation animale peut déjà sembler accablante. Infliger des traitements similaires et à une même échelle à des humains provoquerait l’indignation générale et serait consigné parmi les pires drames historiques.
Néanmoins beaucoup d’arguments sont avancés pour justifier cette exploitation. Peut-être que les animaux non-humains, bien que conscients, ne seraient pas aussi intelligents, rationnels, forts ou dignes que les humains et donc qu’il serait acceptable de les exploiter. Ou peut-être que c’est un mal nécessaire car l’humain a besoin de consommer 100 kilos de viande par an pour vivre dans de bonnes conditions. Je pense que ce type d’arguments est peu convaincant mais je préfère les laisser de côté (disons qu’ils sont laissés comme exercice à la lectrice / au lecteur) pour me concentrer ici sur des arguments et idées qui me semblent plus pertinents.
En réalité, il me semble bien que de nos jour un grand nombre de personnes savent déjà (plus ou moins) que de nombreux animaux ont des émotions, souffrent, sont intelligents et que la justification de leur exploitation est assez douteuse. Je ne pensent pas qu’elles et ils attendent le bon argument philosophique pour agir, par exemple en modifiant leurs habitudes de consommation (même si partager ces arguments pourrait aider, restons optimiste).
Il me semble plutôt que les raisons pour lesquelles la majorité des personnes continuent de soutenir l’exploitation animale sont les suivantes :
Ces pratiques sont normalisées et fortement ancrées dans les pratiques culturelles et sociales : traditions et recettes culinaires, barbecues, soirées raclette et autres rituels en famille ou entre ami·es
Consommer de la viande est agréable et stimule nos sens comme le goût et l’odorat, probablement le résultat d’adaptations biologiques évoluées
La viande, lait et oeufs sont omniprésents dans les produits disponibles, et il y a peu d’incitations économiques à ne pas en consommer (au contraire le gouvernement français favorise ces produits5)
Essayer des alternatives végétales aux recettes incluant des produits d’origine animale demande d’être ouvert à la nouveauté et d’être capable d’apprécier des saveurs diverses, deux points sur lesquelles il me semble qu’il existe pas mal de variabilité entre les personnes (d’origine génétique ou autre)
Vous pouvez ne pas être d’accord avec cette analyse personnelle. Néanmoins les personnes avec qui j’ai l’occasion de discuter n’affirment pas que les végétariens ou végans sont des personnes ayant des idées complètement folles. La réponse typique est plutôt “D’accord, mais j’aime trop la viande”. Bien sûr il existe aussi des personnes qui défendent ouvertement la réalité d’un statut “inférieur” des animaux qui justifierait leur exploitation.
Analogie avec d’autres discriminations
Je défends que l’oppression animale est très similaire à d’autres oppressions historiques comme l’esclavage ou l’oppression des femmes. Ces oppressions sont inacceptables et injustifiées. Par analogie, l’exploitation animale est donc également inacceptable et injustifiée.
Imaginez un groupe d’individus X. X sont traités comme des objets échangeables et destructibles, traités de manière brutale, privés de la capacité à vivre librement et en bonne santé. X sont exploités pour en tirer un bénéfice économique, et des lois permettent de maintenir en place leur oppression. Même des personnes très éduquées pensent qu’il est acceptable d’exploiter X, car ces individus sont perçus comme moins intelligents, moins rationnels, dénués de morale etc.
Dans ce scénario, le traitement discriminatoire de X est-il vraiment acceptable ? Refuser qu’un groupe d’individus soit traité de la sorte devrait amener à étendre ce refus à tous les groupes d’individus, et donc aux animaux conscients.
De plus à plusieurs reprises dans l’histoire, les oppressions ont été justifiées par simple rationalisation psychologique : leurs défenseurs adhéraient à ces arguments soit car ils en étaient bénéficiaires, soit car il leur était inconfortable de remettre en question les idées dominantes de leur époque. En raisonnant par induction, cela devrait amener les personnes qui défendent l’exploitation animale de nos jours à être particulièrement attentives à leurs motivations profondes.
Il y a bien sûr encore beaucoup de débats possibles sur cette partie éthique en dehors des arguments que j’ai mis en avant mais je pense que ceux-ci peuvent déjà donner matière à réfléchir (enfin j’espère).
Une catastrophe environnementale
La transformation vers une alimentation saine d’ici 2050 nécessitera d’importants changements dans nos régimes alimentaires. La consommation mondiale de fruits, légumes, noix et légumineuses devra doubler et la consommation d'aliments tels que la viande rouge et le sucre devra être réduite de plus de 50%. Une alimentation riche en plantes et contenant moins d'aliments d'origine animale confère de nombreux avantages à la fois pour la santé et pour l'environnement.
Walter Willett, Nutritionniste à Harvard6.
Le changement climatique causé par l’action humaine pose un risque sérieux d’extinction de masse pour l’humanité et la biodiversité7. L’agriculture animale (viande, lait etc.) contribue fortement au changement climatique et à d’autres problèmes environnementaux graves8.
Les chiffres que je vais citer proviennent du site scientifique “Our World in Data”.
Utilisation des terres
80% des terres agricoles (des millions de km²) sont utilisées pour le bétail et son alimentation. Chaque année, 2 millions d’hectares de forêts (dont la forêt amazonienne) sont détruites pour être transformées en pâtures pour bovins. Pour la même quantité de calories et de protéines, produire une alimentation végétale aurait un impact bien moindre sur la biodiversité, le climat et l’occupation des territoires.
Utilisation de l’eau
70% de l’eau douce mondiale est utilisée pour l’agriculture. Parmi les activités agricoles, les produits d’origine animale (lait, boeuf etc.) ont la plus grosse empreinte9. Les déjections animales et les engrais nécessaires à la production de l’alimentation animale polluent considérablement les cours d’eau.
Gaz à effet de serre
Plus de 15% des émissions de gaz à effet de serre mondiales proviennent de l’agriculture animale (méthane émis par les animaux, engrais etc.).
Maladies infectieuses
La déforestation liée à l’agriculture animale et les conditions confinées des fermes-usines contribuent fortement à l’émergence de zoonoses (maladies infectieuses transmissibles de l’animal à l’humain)10. Le traitement des animaux d’élevage par des antibiotiques contribue à l’apparition de maladies résistantes aux médicaments11.
Ce n’est qu’une brève description des problèmes environnementaux posés par l’agriculture animale et ce sujet pourrait nécessiter des articles à lui seul. Néanmoins je pense que celle-ci suggère l’ampleur considérable des problèmes engendrés.
Face à la réalité d’une souffrance animale à échelle industrielle et d’un désastre écologique, faut-il vraiment continuer de tolérer l’exploitation animale ?
Sources et ressources
ONGs
PETA - Les animaux tués pour leur chair : élevage, transport, abattoir
Humane Society International - About Animal Testing
Vulgarisation
Changer d’alimentation
Végan Pratique - Débuter pour devenir vegan
Livres de philosophes
Des livres sur le sujet dont j’ai entendu du bien (mais je ne les ai pas lus) :
Peter Singer - La Libération animale (édition définitive)
Michael Huemer - Dialogue entre un carnivore et un végétarien